Découverte du Mexique

Embleme de la ville de MexicoMEXICOEmbleme de la ville de Mexico

« Nous irons à Mexico, et tout sera merveilleux... »

Scarlett à Ashley dans « Autant en emporte le vent »

L'aigle fondant sur un serpent, symbole de la ville de Mexico

Le cauchemar. La plus grande ville du monde : un monstre qui se nourrit des hommes. Mexico, « Mexicó »... On a tout dit de la mégalopole. 20, 22, peut-être 25 millions d'habitants... Personne ne le sait exactement. 50% des habitants a moins de 20 ans. Le seul chiffre fiable est celui des nouveaux arrivants : 30000 par mois ! Flux intarissable des pauvres provinciaux venus chercher du travail dans la capitale, peones et indigenos, qui désormais concentre la moitié des industries du pays, petit peuple mouvant de Mexicains qui finissent par grossir les banlieues tentaculaires de la folle cité. Le Paseo de la Réforma, la grande artère de la ville, s'allonge sur 40 kilomètres... On y trouvent les gratte-ciels à l'architecture la plus novatrice du monde (même si la Chine et Dubaï arrive sur le marché de ce type de construction) et qui sont ici plus particulièrement un défi permanent aux séismes qui surviennent fréquemment ici. Les services de l'urbanisme, qui doivent bien fournir des plan de la ville, en sont réduit à affréter plusieurs fois par an un avion pour photographier les nouveaux quartiers qui sortent de terre, parfois en quelques jours...

Et que dire de l'air qui passe au-dessus de ces buildings ? On a pu observer des oiseaux migrateurs tomber du ciel raide-morts, asphyxiés par la pollution atmosphérique. En 1986, l'explosion d'un dépôt de gaz a touchée les habitants du quartier de San Juan Ixhuatepec. Beaucoup furent transformés en torches vivantes. 400 morts, 1500 ? Les sources divergent comme toujours en pareil cas. Et personne n'a oublié le terrible tremblement de terre du 19 septembre 1985. Deux minutes d'horreur, une force de 8,1 sur l'échelle de Richter ! Il en reste encore de nombreuses séquelles comme ces immeubles abandonnés autour du parc Alameda. On recensa plus de 10000 morts. On se dit qu'il vaut mieux éviter de passer dans un tel endroit, ce qui pourtant serait bien dommage.

La mégalopole de Mexico, vers l'ouest... - Mexique
La mégalopole de Mexico, vers l'ouest...
Le « Zócalo » - Centre historique de Mexico - La Cathédrale, la Place de la Constitution et la Palais Présidentiel - Mexique
Le « Zócalo » - Centre historique de Mexico
La Cathédrale, la Place de la Constitution et la Palais Présidentiel

Plein Est, on aperçoit le zócalo, la place centrale de la ville : depuis 650 ans, c'est le cœur de la ville et du pays. On peut voir le Palais National, au centre, qui s'étire sur plus de 200 mètres. Tous les soirs à 6 heure, la Garde Nationale vient y parader et honorer le drapeau national. A côté, la cathédrale « Metropolitana », le cœur religieux de la ville, la plus grande cathédrale de toute l'Amérique latine. Construite à partir de 1573 à partir des plans de Claudio de Arciniega, elle ne fut définitivement achevée qu'en 1813 avec l'édification du dôme par l'architecte Manuel Tolsá. Sa masse imposante a essuyée tous les séismes sans broncher mais aujourd'hui elle est en sauvetage perpétuelle. La petite et jolie église qui lui est accolée sur sa droite, la « Sagriario » (le tabernacle) est plus récente (1749-1768) mais elle penche plus dangereusement encore sur ses fondations (comme on peut le voir sur la photo).

Il faut dire que la cathédrale jouxte un grand temple aztèque, le « Templo Mayor » de l'ancienne Tenochtitlán, récemment mis à jour (En fait, par une coïncidence extraordinaire, c'est par un arrière petit-fils du dernier empereur Cuauhtémoc que ce temple fut découvert en 1978). La place du « Templo Mayor » est devenu un lieu de marché pour les artisans indiens. La ville voit là resurgir de terre son passé. Désormais cohabitent les deux plus grands centres religieux de l'histoire du Mexique, résumant et confirmant ainsi les paradoxes de ce pays : les deux temples sont fait de la même pierre, mais c'est avec le premier qu'on a construit le deuxième...

« La cathédrale de Mexico » - Aujourd'hui
« La cathédrale de Mexico » - Aujourd'hui
« La cathédrale de Mexico » - Lithogravure de Carl Nebel publiée en 1836
« La cathédrale de Mexico »
Lithogravure de Carl Nebel publiée en 1836

Au pied de la tour, le Palais des Beaux-arts construit à partir de 1904 par l'italien Adamo Boari, est à voir absolument. Le curieux et réussi mélange de style qu'il concentre (extérieur Art Nouveau / intérieur Art Déco) s'explique par le fait que sa construction avait dû s'interrompre durant la Révolution de 1910 et qu'il ne fût achevé qu'en 1934 par Federico Mariscal. De par son architecture et par les œuvres qui y sont présentées, c'est un régal pour les yeux : des fresques de Diego Rivera, d'Orozco, des tableaux de Rufino Tamayo, et bien d'autres choses tout aussi bien choisies...

Le dimanche, il ne faut pas manquer les représentations du Ballet Folklorique du Mexique qui mettent en valeur les décoration de la salle de spectacle. Comme pour toutes les constructions un peu anciennes, le bâtiment s'enfonce peu à peu dans le sol marécageux et c'est un escalier descendant qu'il faut emprunter pour y pénétrer : 10 ans après sa construction, il s'était déjà enfoncé de près de 1,80 m dans le sol ! A l'est, au loin, le lac de Texcoco n'est plus qu'une mare polluée rongée par les polders de l'aéroport. C'est peut-être la seule ville du monde qui n'est pas traversé par un fleuve, une rivière ou le moindre cours d'eau (si, il y a Bruxelles aussi...). La ville a tout recouvert. Mais l'eau, ou plutôt son absence, a repris ses droits...

La ville de Mexico s'affaissant sous son propre poids... Photo de Josh Haner
La ville de Mexico s'affaissant sous son propre poids...
Lire l'article du New-York Times (17 février 2017) - Photo de Josh Haner

Et dire qu'au XVIIIe, on l'appelait « la Venise de l'Amérique » car il fallait emprunter une barque se rendre dans la ville qui était encore entouré du lac de Texcoco et que des canaux permettaient de la traversait comme à Venise ! Aujourd'hui, la ville est un océan de béton où les cours d'eau sont devenus des noms de rues. Octavio Paz dira même que le Paseo de la Reforma est le dernier fleuve,« symbolique », de la ville.

Le palais des beaux-arts de Mexico - Mexique
Le palais des beaux-arts de Mexico
Photo de Balderai

Si vous souhaitez contempler la ville des hauteurs, il y a un endroit à ne pas manquer, près du parc Alameda. Pour 20 pesos, on peut accéder au sommet de la tour « Latino-américaine », qui est l' « Empire State Building » de la ville. Un bâtiment remarquable. Une plaque en cuivre près de l'ascenseur célèbre la qualité des ingénieurs qui ont fait là une tour qui a essuyé sans broncher le tremblement de terre de 1957. Une plaque identique fut rajoutée à côté en 1985, avec les mêmes remerciements... Un quotidien titrait alors : « Nous vivons dans une ville qui ressemble à un champ de mines dans lequel chaque pas est dangereux, chaque jour, chaque aurore marquée par le danger ».

Pourtant, Mexico tient toujours. Le dernier tremblement de terre du 20 juillet 2000 n'aura fait que peu de dégât... Des buildings de plus en plus hauts continuent de sortir de terre... Du haut de la tour « Latino-américaine », au 42 e étage, on a une très bonne vue sur la ville : les gratte-ciels sont de plus en plus nombreux... mais on n'en voit pas les limites de la mégalopole car la pollution limite la visibilité de son horizon.

Le Parc Alameda et la tour Latino-Americana dans le centre de Mexico - Mexique
« Le Parc Alameda et la tour Latino-Americana »
Dans le centre de Mexico

Mexico... Même si le vent évacue parfois le voile de pollution, on ne peut jamais voir que Mexico s'étend au-delà de l'horizon. Il est bien loin le temps où Alfonso Reyes pouvait dire « Arrête-toi, voyageur, tu as atteint la région la plus limpide de l'air ». Les « Chilangos », les habitants de la capitale qui vivent là, « Buscando la vida », racontent que la ville est si étendue qu'il peut pleuvoir sur un quartier tandis qu'il fait un soleil rayonnant dans un autre. Chaque jour, Mexico génère 16000 tonnes de déchets qui sont entreposés dans le nord de la ville et qu'une armée de pauvres s'empresse d'inspecter pour en tirer leurs seuls moyens de subsistance : et une nouvelle ville s'est bâtie sur la décharge...

« Les Portes de la Cité Satellite » - Les Tours de Barragán et Goeritz (1957)
« Les Portes de la Cité Satellite »
Les tours de Barragán et Goeritz (1957)

Là, à Chalco, un dicton dit : « Si tiene dignitad, no tire basura », (« Si tu as de la dignité, ne jette pas tes ordures... ») Et que dire du crime (5 morts violentes par jour), des enlèvements de plus en plus fréquents de gens plus ou moins riches. Le corruption généralisée, dans la rue avec l'agent de la circulation (à qui l'on paie le bakchich,« la mordida », en cas de problème) mais aussi dans les plus hautes sphères du pouvoir politique... On ne manque pas d'être impressionné et on hésite entre l'admiration et le dégoût. Et pourtant : « Si quelqu'un vous dit du mal du Mexico, c'est sûrement un « extranjero » qui n'a pas eu assez de temps pour en tomber amoureux ». Tel est le Mexico, tel est Mexique :

« Il n'existe pas sur notre continent, ni peut-être sur notre planète,
un pays plus profondément humain que le Mexique.
A travers ses réussites lumineuses, mais aussi ses erreurs gigantesques,
on aperçoit le même chaîne de générosité grandiose, de vitalité profonde,
d'histoire inépuisable, de germination sans fin. »

Pablo Néruda

Les tours de verre du quartier d'affaire de Mexico
Les tours de verre du quartier d'affaire de Mexico

On peut considérer que c'est Hernán Cortès qui a fondé Mexico, sur les ruines de l'ancienne capitale aztèque. Il fallait faire table rase du passé et construire une nouvelle capitale à la « Nouvelle-Espagne ». Malgré ses maigres troupes, il met à bas l'empire aztèque en moins de deux ans. Terrible histoire, à méditer... Habile et rusé, il se ménagea des alliances avec les chefs indiens soumis par les aztèques de la région de Mexico, comme celle de Tlaxcala, qui ne supportaient plus les exactions de leurs maîtres. Trop de sacrifiés, trop d'humiliations, trop de haine... Ils réclamaient vengeance ; ce qui fut fait. Aidé de 400000 alliés Indiens et après trois mois de siège éprouvant, Tenochtitlán tombe le 13 août 1521. C'est la débandade chez les aztèques. La ville a été bombardée, en partie brûlée... La défaite du dernier empereur aztèque Cuauhtémoc marque la fin d'une époque et d'un monde. Tenochtitlán fut rasée et rebaptisée Mexico :

« Ce ne fut ni triomphe ni défaite,
mais la naissance douloureuse de ce peuple métis
qu'est aujourd'hui le peuple Mexicain. »

Texte figurant sur fronton de la Place des Trois Cultures - Mexico

Les artisans indiens près des vestiges du « Templo Mayor »
Les artisans indiens près des vestiges du « Templo Mayor »

Curieusement, l'étymologie des mot « mexique », « mexica » et donc de « mexico » reste incertaine... Même si on voit souvent la mention « Culture Mexica » dans les musées et les monographies, il semble bien que ce terme ait connu une histoire torturée... Il semble bien portant que l'origine même du nom de la ville soit issue du nahualt, la langue des autochtones à l'époque de la Conquête et qu'il signifiait, de manière assez poétique : « (la ville) au milieu (du lac) de la Lune »... Les chroniqueurs de la Conquête ne s'accordent pas entre eux sur l'origine du mot. Selon certains, il dériverait du nom d'un personnage historique de l'époque de la migration, tandis que d'autres parlent d'un peuple appelé les « Mexitli », dont dériverait le nom actuel de la ville (terme nahuatl composé de « metl » et « zitli » (soit « Lièvre de l'agave », agave ou maguey, plante omniprésente au Mexique et notamment à l'origine de la tequila...). Plus généralement, lorsqu'ils parlent de « Mexica », ils font référence à toutes les populations, et tribu,s de la région du centre du Mexique aussi bien pour les Aztèques que pour leurs voisins tlaxcaltèques.

« Cette dénomination de Mexicatl se disait anciennement Mecitl, formé de me ou de metl, qui signifie maguey et citli, lièvre. Cela devrait donc s'écrire Mecicatl. C'est en changeant le c en x qu'on a fait Mexicatl par corruption. Au dire des anciens, la cause de cette appellation provient de ce que les Mexicains [note : c'est-à-dire les Mexica/Aztèques] en arrivant dans ce pays avaient pour chef ou seigneur le nommé Mecitl, qu'on avait surnommé citli (ou Lièvre) au moment de sa naissance. Comme ailleurs on lui donna pour berceau une grande feuille de maguey, on l'appela désormais Mecitl comme pour dire : homme élevé dans cette feuille de maguey. »

Bernardino de Sahagún - Chroniqueur de la Conquête

De fait, il n'existe pas de glyphe préhispanique correspondant au mot « Mexico » : on emploie celui qui désigne Tenochtitlán. Le mésoaméricaniste français Christian Duverger en a déduit que les Mexica ont probablement cherché ainsi à occulter l'origine de leur propre nom... Ancienne tribu nomade et insignifiante, les Aztèques prirent un autre nom pour mieux asseoir leur nouveau pouvoir et se créèrent une généalogie prestigieuse pour mieux faire accepter leur domination... On connaîtra ailleurs et par la suite ce type de procédé...

La Place des Trois Cultures est le résumé frappant de l'héritage de la nation mexicaine : un temple aztèque restauré, une triste église baroque et un ensemble H.L.M. ultra moderne... Le Mexique et Mexico est le mélange des ses trois cultures : indienne, européenne et nord-américaine. Ce qui paraît avoir été un handicap pendant des siècles, cette tension permanente entre ses diverses origines, « cette tragédie permanente », peut être une force pour l'avenir. Il faut aller à Mexico, quoi qu'on en dise, car là on rencontrera tout ce qui fait le charme et la richesse du Mexique. Et on n'oubliera de penser à Tenochtitlán, dont les vestiges parsèment les artères de la capitale. Aujourd'hui, on commence à peine à mettre en valeur les vestiges, parfois énormes, de l'ancienne Tenochtitlán, comme le « Templo Mayor », sur le Zócalo. Mais les urbanistes ne se font pas d'illusions : la ville est condamnée : que ce soit un tremblement de terre, le manque d'eau, la pollution, tout concours à ce que la ville s'effondre sous son propre poids, démographique bien sûr, et même tout simplement physique. Comme le dit l'architecte Eduardo Terrazas :

« L'histoire s'est interrompue.
On s'est entassé dans Tenochtitlán pour des raisons divines ;
il n'y a aucune raison pour que cela se poursuive à Mexico.
La ville a grandi par le jeu de forces économiques qui ne fonctionnent plus. »
Les taxis de dans le centre de Mexico - Mexique
Les taxis de dans le centre de Mexico
Plus d'infos sur « Les Taxis du Mexique »

Pour connaître l'origine et l'histoire de Mexico

« Mexico - Tenochtitlán... »

« Les Aztèques »

Découvrir Mexico, filmé par Alejandro González Iñárritu :

« Amours Chiennes »

Ciudad de Mexico...

Accédez au site web de la ville de Mexico :

www.cdmx.gob.mx

Mexico vue depuis le ciel la nuit...

 

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